Le lait et la vache. Sur le désarmement industriel de l'Algérie.

Le lait et la vache.

Par Mohamed Bouhamidi.

In Le Soir d’Algérie du 04 04 2006

Une importante manifestation se tient actuellement sur le lait. Comme d’habitude, on nous transmet des chiffres et des informations incomplètes. Ainsi nous serions les troisièmes consommateurs de lait au monde et le premier importateur de lait en poudre. Cette dernière donnée me donne froid au dos. On nous avait déjà expliqué que nous étions le premier importateur de blé dur.

Nous sommes classés à quel rang pour le concentré de tomates après le démantèlement voulu et systématique de cette filière avec la suppression programmée de 200.000 emplois ? Importer du blé, de la poudre de lait ou du concentré de tomates reste troublant pour n’importe quel algérien intéressé par le commerce extérieur. A quels prix sont cédés ces produits sur les places boursières, quels prix sont portés sur les factures présentées à la douane ? Personne ne peut le savoir avec exactitude sauf s’il consulte les données publiées dans les journaux étrangers qui informent régulièrement des prix des matières premières et des produits boursiers. Les journaux algériens ne le font pas et ils le feraient, d’ailleurs, au profit de qui ? Prenons simplement ce chiffre avancé : l’Algérien consommerait 100 litres de lait par an. Le reste est dans le brouillard. Les 100 litres représentent de la consommation directe ou bien comprennent-ils la part qui revient à la fabrication locale de pâtisseries, de fromages et des autres dérivés du lait ? Ce n’est pas tout à fait la même chose. C’est une part soustraite à la consommation directe et elle renforce la consommation des ménages qui ont les moyens d’acheter le lait et ses dérivés. Tant mieux pour ces ménages. Oui, mais et les autres ? Demandez autour de vous. Les Algériens consomment beaucoup de lait par l’effet de leurs difficultés financières. Avec le lait, les mamans préparent beaucoup de plats ou en font passer d’autres. Elles savent très bien que le lait remplace la viande et les œufs. Les commerçants et les fabricants le savent si bien qu’ils vendent le petit lait, idéal pour le couscous des pauvres, plus cher que le lait lui-même. Ainsi, cette aberration économique qui fait vendre le lait débarrassé de son beurre, en somme du lait dégradé, plus cher que le lait pourvu de ses matières grasses, s’explique par cette nécessité. Alors, donnez-nous les autres chiffres, tous les chiffres pour que l’on sache si cette consommation relève du progrès et de l’aisance ou si elle n’est qu’un cache-misère.

M. B.

Source : http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/04/04/article.php?sid=36526&cid=3