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bouhamidimohamed

La maladie infantile du Hirak : le printanisme.  Par Ahmed Tahar Mekki. 

7 Décembre 2019 , Rédigé par bouhamidi mohamed Publié dans #-Algérie, #-Armée, #-Politique, #ANP, #Hirak, #Collectif novembre pour le socialisme

Urnes brûlées à Chemini en Kabylie.

Urnes brûlées à Chemini en Kabylie.

  Par Ahmed Tahar Mekki. 

"On ne sait pas encore suffisamment à l'étranger que le bolchevisme a grandi, s'est constitué et s'est aguerri au cours d'une lutte de longues années contre l'esprit révolutionnaire petit-bourgeois qui frise l'anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d'une lutte de classe prolétarienne conséquente. Il est un fait théoriquement bien établi pour les marxistes, et entièrement confirmé par l'expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements révolutionnaires d'Europe, - c'est que le petit propriétaire, le petit patron (type social très largement représenté, formant une masse importante dans bien des pays d'Europe) qui, en régime capitaliste, subit une oppression continuelle et, très souvent, une aggravation terriblement forte et rapide de ses conditions d'existence et la ruine, passe facilement à un révolutionnarisme extrême, mais est incapable de faire preuve de fermeté, d'esprit d'organisation, de discipline et de constance. Le petit bourgeois, "pris de rage" devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l'anarchisme, à tous les pays capitalistes. L'instabilité de ce révolutionnarisme, sa stérilité, la propriété qu'il a de se changer rapidement en soumission, en apathie, en vaine fantaisie, et même en engouement "enragé" pour telle ou telle tendance bourgeoise "à la mode", tout cela est de notoriété publique. Mais la reconnaissance théorique, abstraite de ces vérités ne préserve aucunement les partis révolutionnaires des vieilles erreurs qui reparaissent toujours à l'improviste sous une forme un peu nouvelle, sous un aspect ou dans un décor qu'on ne leur connaissait pas encore, dans une ambiance singulière, plus ou moins originale."

Lénine, La maladie infantile du communisme, le gauchisme.

    Une partie des Algériens se prépare à aller voter le 12 décembre pour désigner un nouveau président de la république. On assiste depuis des semaines à une campagne de dénigrement acharnée de ces élections et de leurs défenseurs, quand bien même se trouveraient parmi eux des intellectuels dont la clarté théorique de leur position ne laisse aucune place à l'accusation d'accointance avec le régime. Ils n'y auront gagné que l'infâmante étiquette d' "intellectuels du pouvoir". Il est vrai qu'aussi bien ceux dont le projet inavoué est de renverser l'Etat pour le remplacer par un autre fabriqué à leur mesure, que ceux qui leur empruntent leur langage sans voir l'agenda qui se cache derrière, n'ont d'autres arguments à opposer que l'invective: si vous ne pensez pas comme eux, vous êtes une mouche, un larbin du pouvoir, un cachiriste, etc.

   Une "rage" devant le spectre d'un recyclage de l'ancien régime n'explique pas cette dérive anti-démocratique de ces chantres de la démocratie. Parfaitement tangible est la volonté de faire taire toute voix discordante, d'intimider tout adversaire politique en lui faisant honte de la flétrissure indélébile de "cachiriste". Tellement tangible que nous sommes arrivés au vandalisme contre les urnes à Draâ El Mizan et le murage de plusieurs APC en Kabylie. Le MAK qui n'avait plus droit de cité les premiers mois du hirak a réactivé sa propagande fasciste relayée tous azimuts par France24 et BRTV, pour ne citer que ces médias les plus connus. En empêchant les élections par la coercition envers les éventuels votants, c'est vers un scénario kurde que poussent les militants séparatistes qui ont repris du poil de la bête (immonde) après la mise sous cloche lors des premiers mois de communion populaire.   

    Quant aux autres opposants aux élections, leur argument pourrait se résumer ainsi: « Nous ne voulons pas d'élections avec ces figures-là ». A quoi nous pourrions répondre: En ce cas, où sont les vôtres depuis neuf mois? Vous avez obstinément refusé de vous organiser, de désigner des représentants. Peut-être parce qu'il est clair aujourd'hui que lesdites figures représentatives (comme le fut un temps Bouchachi) n'avaient aucune chance de victoire par les urnes. Il s'agit de leur apporter rien de moins que les pleins pouvoirs sur un plateau: la phase de transition "démocratique". Si l'échéance du 4 juillet était trop courte pour permettre à des leaders "propres" d'émerger, ce que tout le monde a admis, y compris l'ANP, à aucun moment après le report des élections n'a-t-on vu le moindre signe, venant des printanistes, dans le sens de l'organisation et de la préparation à des élections propres. Les arrestations liées à l'étendard amazigh ont fourni le prétexte d'un refus obstiné et obtus envers toute organisation de ces élections, d'autant que les meilleures cartes étaient déjà grillées: Bouchachi, "l'homme intègre", a été désintégré non seulement par les révélations de ses accointances avec les organisations américaines d'exportation de la démocratie, mais aussi par le témoignane de Ali Yahia Abdennour sur sa présidence de la LADDH. Benbitour n'a pas fait long feu et a dû aller se chercher une légitimité en Suisse, où il attend une chimérique opportunité d'être appointé à la tête d'un gouvernement provisoire "légitime", en face d'un Etat et d'une ANP déligitimés par un éventuel échec des élections.  

    La petite bourgeoisie n'a jamais cherché à renversé l'oligarchie pour renverser le système qu'elle incarne. Elle ne cherche qu'à se substituer à elle, "prise de rage" devant le spectacle affligeant d'une caste maraboutique aux pratiques archaïques, qui les a humiliés aux yeux de l'Occident tant révéré, en plus de leur mener la vie dure sur le plan économique. Il s'agit donc de se substituer à une caste que l'on méprise non pour ses pratiques en elles-mêmes, mais pour... le manque d'élégance de ces pratiques. Des printanistes avérés constituaient des pancartes se moquant de Haddad, aussi kabyle qu’on puisse l'être, mais sitôt Rebrab derrière les barreaux on a crié à la division ethnique, comme si en la personne de Rebrab c'était toute la kabylie qui était visée.

    La levée de boucliers en faveur du roi du rond à béton relève de plusieurs facteurs. Celui qui nous intéresse aujourd'hui est la représentation (au sens d'image mentale): Rebrab représente le bon oligarque, celui qui posséderait à la fois le capital économique ET le capital culturel. Des hagiographes généreusement appointés et des médias stipendiés ont participé à l’élaboration de cette success story. Dans l'imaginaire petit-bourgeois, il est donc un oligarque légitime, en face des "bouseux" Tahkout et Haddad, dont le français cassé n'a cessé de nourrir les pires sarcasmes.

    A travers cet exemple, nous cherchons à démontrer que pour la petite bourgeoisie, il s’agit de changer de régime, et non de système. Pour ce faire, deux moyens: la légitimité des urnes, ou celle de la rue. Cette dernière a jusqu'à présent été remportée par l'ANP, qui a instamment appelé à la consolidation de l'Etat par les urnes. Les printanistes ne peuvent espérer passer par les urnes pour gagner, et n'ont plus d'autre espoir que de bloquer l'accès à celles-ci afin de disputer à l'ANP sa légitimité, qui s'incarnerait alors dans un "gouvernement provisoire", un CNT fabriqué entre Paris, Bruxelles et Genève.

    Les éléments de la petite bourgeoisie, certes plutôt nombreux, seraient donc les seuls à défiler chaque vendredi? Evidemment non. Le nombre s'accroit de manifestants issus des couches moyennes, qui ont leurs propres intérêts, mais qui empruntent à la petite bourgeoisie son langage et ses slogans, comme il en est fait état dans la déclaration du collectif novembre pour la souveraineté nationale, le développement autocentré et le socialisme:

   "Les couches moyennes qui empruntent spontanément leurs concepts aux courants dominants du monde actuel ne trahissent pas le pays, contrairement aux révolutionnaires colorés. Il leur reste, comme à nous tous, à construire leur langage politique national au travers de nos débats autocentrés et notre attention portée à notre réalité historique.

   Le danger vient par contre des fractions de la petite bourgeoisie qui s’est inscrite dans les programmes US et européens.

    Le risque le plus grand reste que ces couches moyennes rejoignent par impatience les révolutionnaires colorés. Des politiques différenciées sont désormais nécessaires pour :

- Isoler les groupes acharnés à la destruction de notre Etat national en nous le faisant confondre avec le gouvernement.

- Faire échec aux divisions ethniques*."

   Quel hiatus entre cette analyse nuancée et l'étiquetage uniformisant qu'on oppose à tout réfractaire au "révolutionnarisme extrême" et au maximalisme!

     Je conclus en rappelant ce passage de la première déclaration du collectif novembre. Puisse-t-elle servir aux patriotes sincères désarçonnés par la complexité de la situation, et sur l’analyse de laquelle on cherche à imposer un manichéisme mortifère :

   « Nous devons apprendre ensemble à renoncer à l’idée d’homme providentiel à qui confier les tâches de direction du pays. Nous devons apprendre que la lutte politique est toujours de longue haleine.
 

   Le seul homme providentiel est le peuple lui-même.

 

   Les deux priorités actuelles sont :

1 - Aller au vote. Tous les militants expérimentés savent que les révolutions ne ressemblent en rien au « Grand Soir » qui entre la veille et le lendemain nous ferait passer d’un état à un autre, de l’enfer au Paradis. Tous les révolutionnaires savent que les processus de libération sont longs, marqués d’avancées et de reculs. Chez nous, la période de Bouteflika nous a fait reculer de la situation d’un Etat encore relativement souverain sous Chadli à un Etat contrôlé par le néocolonialisme et la Françalgérie. La période Bouteflika a totalement désarmé notre Etat et notre peuple.


    Mais tout militant expérimenté sait que les conditions de la lutte sont importantes pour leurs activités.


    La préservation de notre Etat-nation nous rendra moins difficile à tous la reprise du processus de notre libération nationale et le détricotage, loi par loi, de la Françalgérie.

   Quels que soient les candidats, cet acte de voter correspond à un acte de préservation de notre Etat, même si le vote est blanc.

 

    Ce travail pour aller aux élections doit nous permettre de nous aguerrir et de développer notre compréhension des enjeux que nous imposent les révolutionnaires colorés.

 

    Mais cet acte peut aussi s’accompagner de débats sur la nécessité de faire pression sur les candidats pour qu’ils s’engagent non seulement sur la souveraineté nationale et l’Etat qui va avec mais aussi sur les droits et les libertés démocratiques qui nous permettraient, en tant que peuple, de défendre notre Etat-Nation.

    La nécessité d’aller aux élections réside, par ailleurs, dans la nécessité de faire barrage à la politique états-unienne de la terre brûlée, consistant à plonger dans le chaos les pays pivots dont elle ne peut empêcher l’alliance stratégique avec la Russie et la Chine. Il est absolument vital aujourd’hui de préserver notre Etat national contre les subversions qu’appelle entre autres Robert Ford de ses vœux, et que portent les printanistes en alimentant la confusion entre gouvernement et état.

 

2 - Prêter une attention particulière aux couches moyennes. Elles doivent trouver à l’intérieur de l’Etat national les conditions de leur épanouissement. Les nouvelles couches moyennes plus instruites, plus cultivées grâce à l’indépendance,  incluent les étudiants. Elles sont la cible privilégiée des révolutions colorées.

 

     Les conditions d’épanouissement doivent mobiliser l’attention des militants révolutionnaires pour rapprocher les couches moyennes des aspirations populaires. Nous devons développer nos contributions théoriques, politiques, culturelles qui se situent sur la ligne de confrontation avec l’impérialisme. Sur cette ligne de confrontation avec l’impérialisme, doivent retenir notre attention les questions de libération nationale, la naissance du monde multipolaire et la phase finale du capitalisme.** » 

 

 Par Ahmed Tahar Mekki. Le 7 décembre 2019. 

 

* http://bouhamidimohamed.over-blog.com/2019/12/combattre-l-ingerence-du-parlement-europeen-et-toutes-les-autres-participer-massivement-au-vote.faire-echouer-le-pari-dangereux-d-un?fbclid=IwAR0MUkdAAJF72V9qe_69QjD7S0FZkw38YOyoJ6YJ9aTRlvd0md6uT8zY3oc

 

** http://bouhamidimohamed.over-blog.com/2019/11/65eme-anniversaire-du-1er-novembre-declaration-du-collectif-novembre-pour-la-souverainete-nationale-le-developpement-autocentre-et-l?fbclid=IwAR0DsOICkpayb_v9S1Y4zF_JzzTw-9B7sszFL9O2jdMIPD-UGyNdyzIDsug

 

 

#Hirak  #ANP   #Algérie  #PrésidentiellesAlgérie 

 

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