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bouhamidimohamed

Iran : Campagne Anti-Corruption Sur Fond De Lutte De Factions Pour La Succession Dans Un Pays Confronté à d’immenses Défis Stratégiques. Par Strategika 51

18 Août 2019 , Rédigé par bouhamidi mohamed Publié dans #questions internationales

Résultat de recherche d'images pour "photos du bazar de Teheran" In Strategika 51 du 18 août 2019

La lutte des factions au sein du pouvoir en Iran se poursuit. Les partisans du Guide de la Révolution iranienne mènent tambour battant une campagne sans précédant de lutte contre la corruption en ciblant les figures de proue de la faction dite des “Bazaristes” favorable à l’économie de marché, au libéralisme et à des concessions vis à vis des pays occidentaux.

La corruption institutionnelle et extra-institutionnelle à atteint des niveaux records en Iran, mettant en péril la sécurité nationale d’un pays faisant face à une guerre hybride, un véritable embargo et des tentatives de déstabilisation en vue d’un changement de régime.

Il n’est point étonnant que les milliardaires de la faction des “Bazaristes” mais aussi d’autres factions du pouvoir soient ciblés au moment où le pays vit une très grave crise économique et sociale susceptible à tout moment d’être exploitée par les ennemis de Téhéran.

Outre les centaines d’arrestations effectuées dans le cadre du démantèlement des réseaux d’espionnage US, britanniques, français, israéliens et saoudiens, d’autres actions plus ou moins visibles sont menés contre des pontes du régime dans le cadre de ce qui s’apparente à une lutte à mort entre “Bazaristes” et “conservateurs” avec pour enjeu majeur, la succession du trop modéré président Rouhani.

Les conservateurs sont également traversés par des divisions et des clivages quasiment irréconciliables. Divisés en factions dont certaines qualifiées d’ultra n’ont pas hésité à s’en prendre à l’ex-président Mahmoud Ahmadinejad pour ses positions publiques mais également- et c’est un des nombreux paradoxes iraniens- pour son anti-impérialisme tiers-mondiste et ses critiques souvent fondées à l’égard du système politique et de ses (nombreuses) compromissions cachées avec l’ennemi qu’il vilipende en public.

Dernière cible en date, la richissime dynastie des Larijani, laquelle s’est illustrée durant de longues années sur le parlement et la justice ou encore dans le domaine des négociations sur des sujets aussi importants que le nucléaire iranien.

Jusqu’à présent, c’est le patriotisme d’une grande partie de la population iranienne, galvanisé par l’hostilité affichée de la plupart des pays occidentaux à l’égard de leur pays et par dessus tout les très dures sanctions économiques, lui a permis de supporter avec d’immenses sacrifices une crise économique et sociale qui aurait fait voler en éclat n’importe quel autre État-Nation.

L’enrichissement ostentatoire des factions au pouvoir en ces temps de crise a été exploité par les services spéciaux US et britanniques pour y déclencher une révolution colorée (révolution verte) qui fut avortée et mise en échec par les services de renseignement iraniens mais Washington et ses alliés régionaux ne désespèrent pas de revenir à la charge et c’est l’un des objectifs des sanctions croissantes imposées sur la République Islamique.

Sur le plan stratégique, la politique menée par l’Iran en Irak s’est avérée aussi erratique que celle de l’occupation américaine du fait de la mainmise des factions les plus intolérantes et incompétentes des conservateurs du pouvoir iranien sur le dossier irakien.

Ce fiasco sans nom contraste avec le succès relatif en Syrie où l’intelligence stratégique des dirigeants syriens et la présence des russes exigeait des gens fort compétents et éclairés issus généralement du Corps d’élite des Gardiens de la Révolution et qui en plus avaient une expérience internationale préalable (relations avec le Hezbollah libanais par exemple). L’intervention iranienne en Syrie est assez limitée et souffre depuis le début de l’opposition affichée des factions dites “modérées” lesquelles n’ont jamais saisi le grand schéma stratégique du Grand Jeu qui faisait de l’Iran la seconde cible directe en cas de chute de la Syrie mais également des factions les plus intolérantes au sein des conservateurs, aveuglées par l’ideologie et un sectarisme incompatible avec le rôle d’un grand pays comme l’Iran sur la scène internationale.

On rappellera également les errements contradictoires de la politique iranienne en Afghanistan, un pays en guerre sous occupation étrangère où sont stationnées des forces US et Otan pour surveiller le flanc oriental de l’Iran.

La guerre au Yémen fut un des domaines où Téhéran a pu réussir parce que le dossier est suivi par des techniciens échappant à l’influence des cercles corrompus du régime. Ces cercles veulent se débarrasser le Guide suprême de la Révolution iranienne, l’Ayatollah Khamanei mais l’intelligence de ce dernier a pu jusqu’ici non seulement les tenir à distance mais à lancer une offensive souterraine ciblant la corruption de ces factions avides de pouvoir et de richesses, lesquelles reprochent au Guide de vouloir imposer une succession dans laquelle son fils pourrait avoir un rôle.

Les bazaristes espèrent négocier avec l’Union Européenne dont ils sont subjugués un compromis acceptable leur permettant de continuer leur mainmise sur le commerce et les circuits de distribution monétaire. Les conservateurs ne veulent d’aucun compromis et considèrent l’Union européenne comme un simple vassal de Washington et d’Israël et que toute négociation n’est qu’une perte de temps. Pourtant c’est les intérêts qui priment chez les uns comme chez les autres et tout est possible comme ce fut le cas lors du scandale de l’Irangate durant les années 80. La seule force échappant à cette contingence est à chercher au sein des forces armées dont l’encadrement est issu des jeunesses révolutionnaires du début de la révolution islamique entre 1980 et 1984. C’est ces derniers que craint le plus Washington car il ne sont pas motivés par l’appât du gain et certains d’entre-eux croient réellement en leurs missions. C’est la raison pour laquelle l’Iran n’est pas l’Irak où 98 % du commandement militaire de ce pays voisin de l’Iran fut soudoyé ou recruté avant l’invasion US de 2003.

Indubitablement, l’Iran fait face aux plus grands défis stratégiques de son histoire. Il est engagé dans un bras de fer intense au Golfe et fait face à un ciblage que très peu de pays peuvent supporter. Ce pays saura t-il dépasser ses contradictions internes pour faire face à ses défis ou au contraire négociera encore avec ses propres fossoyeurs pour préserver les acquis matériels d’une infime oligarchie scandaleusement riche dans une pays sous de multiples sanctions internationales ? C’est la cohésion interne de l’Iran qui déterminera sa survie. L’Iran dispose d’assez de ressources pour transcender ses propres clivages si sa population demeure unie. Tout effet inverse aura pour conséquence la chute du second maillon de la chaîne et la mise à mal des deux autres maillons que sont la Syrie et la Russie. Mais ceci est une autre histoire.

 

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