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Ez-zilzel (le séisme) Tahar Ouettar.

2 Avril 2019 , Rédigé par bouhamidi mohamed Publié dans #Notes de lecture

 Ez-zilzel (le séisme) Tahar Ouettar.

Par Mohamed Bouhamidi.

 

L’imprécation habitait déjà Cheikh Boularouah quand il arrive à Constantine au bout de neuf heures de route. Sa ville qu’il n’a pas revue depuis son départ à Tunis pendant la guerre de libération puis sa charge de proviseur à Alger, lui apparaît sous les perceptions insupportables de la physique : la masse, les odeurs, le son, les volumes et le nombre, la foule.

Il revient pour échapper à une réforme agraire qui devait redistribuer les terres des grands propriétaires fonciers, notamment ceux qui en avaient délaissé les cultures. Il avait eu vent à temps de ce projet satanique, il le voit ainsi, et conçoit le plan de morceler ses terres pour les soustraire à la redistribution.

Boularouah en avait vraiment beaucoup et il ne les avait pas vues depuis longtemps, un cas typique de rente foncière d’un homme attardé dans les satisfactions paresseuses du rapport féodal.

Il voyait ses terres déjà aux mains de ses khammas pouilleux. Et dans cette Constantine des années 197O/71, il fallait que ce soit ces années-là pour qu’il s’agite contre ce projet de renversement de son ordre social, il marchera presqu’en transe, en découvrant l’exode rural qui avait jeté  cette multitude de gens de peu qui avaient transformé la ville, dégradé les espaces, les repères, les élégances de ce qui fut, jadis, la projection urbaine de son ordre social.

Il fallait qu’il retrouve des membres de sa famille pour des donations fictives qui lui sauvegardent ses propriétés sous leurs noms d’emprunt, d’hommes de pailles déjà, à l’époque. Il n’avait pas  d’enfants.

Cette quête le ramènera dans son passé sombre d’homme re-enrichi dans l’usure, le jeu des écritures et des hypothèques, d’homme sec qui refusa à tous les aides les plus infimes, et qui a mis sur la paille ses propres parents directs ou par alliance.

Il est revenu pour mobiliser pour lui le système de parenté qu’il a lui-même foulé aux pieds, détruit sous l’impulsion des ses passions pour l’argent. Il découvrira que ces parents qu’il avait humiliés, ruinés, rejetés, méprisés avaient pris des chemins qui les mettaient hors de sa portée, chemin du martyr, de la lutte, d’une autre ascension sociale. Tous disparus des lieux où il les avait connus. Même son cousin, mokkadem d’une zaouîa lui avait fait fausse route. Il espérait que le service de la religion lui aurait assuré la solidarité des hommes de foi contre la mécréance communiste de la réforme agraire. Pour les mêmes raisons de foi le mokkadem Boularouah s’était fait militant communiste clandestin, distributeur de tracts et organisateur de grèves, pour se tenir selon la voix et la voie de Dieu ses frères  ouvriers de la confrérie.

Oui, vraiment, seul un séisme pouvait arrêter l’avancée de la mécréance, sa ville nette et propre de l’époque coloniale, sa ville policée de la petite bourgeoise  indigène, croulait sous le nombre, de ces paysans jetés là par l’exode.
Mais pas seulement ; sa quête le ramènera vers ses autres côtés sombres, la puissance de la domination féodale, l’extrême oppression des khemmas qui lui permit d’exercer son droit de cuissage élargie sur la femme et la fille séquestrées d’un de ses serfs.

Puis la mémoire lui remonte jusqu’à ces associations morbides entre son besoin permanent d’argent, de ruses, de masques et cette brume qui lui montait au cerveau sans crier gare et qui lui faisait étrangler ses femmes, les veuves de son père qu’il mettait dans son lit, ses concubines.

Il se défendait avec sa dernière ressource, son prestige d’homme de foi et de savoir que Cheikh Idir avait moqué en lui affirmant que le savoir n’était pas le chemin de la richesse. Dieu devait mettre fin à ce désordre par un séisme qui emporterait tout, d’abord ces hommes qui pullulent et les idées novatrices et dissolvantes qui les séduisent.

Ez-Zilzel reste le plus grand roman algérien de la lutte des classes anti-féodale lovée dans notre guerre libération nationale et une roman d’une très grande valeur esthétique.
M.B

Ez-zilzel (le séisme) Tahar Ouettar. Traduit de l’arabe par Marcel Bois. Alger. SNED. 1977

 

  

   

 

  

 

 

 

 

 

  

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