Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
bouhamidimohamed

« Les autres » de Mohamed Walid Grine.

21 Février 2018 , Rédigé par bouhamidi mohamed Publié dans #Notes de lecture

« Les autres » de Mohamed Walid Grine.

Par Mohamed Bouhamidi.

In Horizons du 21 février 2018.

Mais comment sont les autres ?  Et, au fond, qui sont-ils ? Qui est réellement la fille, au beau visage et qui porte  djilbab, abordant pour lui parler de « Death métal » son voisin de bus qui cache  sa timidité derrière son Mp3 ? Et qui est Karima et quelles douleurs dissimule-t-elle  sous ses apparences vestimentaires fantasques ? Et pourquoi le jeune homme qui lit en livre dans un bus  a-t-il envie de se tuer quand la fille au parfum délicat descend du bus, définitivement découragée par le trac du garçon qui n’ose lui parler sans prendre le détour de sa mère, comme s’il voulait paraître comme un garçon de bonne famille ? Et voulait-elle cette fille que le garçon qui l’aborde avance sous ce masque d’emprunt ? 

Les premières nouvelles du recueil de nouvelles de Mohammed Walid Grine,  nous invitent dans le regard de personnages, décalés de l’agressivité ambiante, en quête d’une vérité chez « d’autres » que ne se laissent pas voir leurs apparences. Mais pas seulement, leurs apparences car le déroulé des récits nous appelle bien plus  à libérer notre propre  perception des clichés qui la structurent.

Nouvelles, qui nous portent vers un fort saisissement émotif quant à l’injustice qu’impriment ces clichés à notre regard et comme à un besoin  de réparation de notre attention trop hâtive portée sur les autres. Et ce sentiment du lecteur est évidemment plus fort à l‘endroit de Karima ou de la fille au djilbab.

« Les autres », c’est le titre du recueil,  se referme pourtant sur deux nouvelles dominée par la question de la violence physique directe. Non sans interrogations essentielles sur la balance qui oppose sa légalité et sa légitimité dans le cas de la protestation sociale face à la question de l’ordre public. Pire, cette question va toucher, plus au fond, celle de notre société qui semble ne plus avoir que ce mode du rapport de forces pour vider les conflits les plus banals et les naturels qui peuvent surgir dans la vie courante.

Les autres nouvelles intermédiaires préparent le lecteur aux scènes de ces points culminants.  Elles introduisent par touches successives la perte des médiations qui permettaient, dans une autre vie pourtant si proche, de trouver dans les lois écrites ou tacites les normes qui pouvaient indiquer, sans contestation possible,  qui a commis l’écart aux règles. Mohamed Walid Grine réussit ce pari d’écrire de « l’intérieur » de ses personnages totalement impuissants à arrêter la dégradation des relations entre voisins et des relations à l’environnement urbain. Il nous développe  une évolution de l’irréversible de ces dommages infligés :destruction de l’environnement urbain avec aprcs et jardins sous l’invasion du béton armé dans tous le sens du terme,  incivisme, vacarmes et saleté des voisins, agressions continues contre les femmes dans l’espace public,  dérapages de jeunes livrés à eux-mêmes et au chômage des diplômés comme des illettrés, pression publique pour que tout incident mineur devienne artificiellement motif de combat de coq. Tout se défait et les personnages  qui nous mènent à voir cette involution restent impuissants. Forcément un puissant sentiment de ressentiment et de haine les envahit et ils finissent par projeter sur les autres des pulsions destructrices, des envies de meurtres, mais à un tel point, que Mohamed Walid Grine nous mène à voir que des symptômes morbides apparaissent dans notre vie sociale et vont plus loin que les réactions répétitives des clichés que nous servent tous les jours les prêtres de la « haine de soi ».    

Indubitablement, il existe une faille survenue dans le passage de nos anciennes formes et valeurs de notre vie sociale et Mohamed Walid Grine la désigne sous la notion de civilisation. Il est difficile de pas voir sous cet angle la philosophie générale qui sous-tend ce recueil tant les vocables de barbare et de barbarie reviennent pour qualifier les conduites et les comportements agressifs et dégradés qui poussent à une envie de meurtre chez les personnages sains et simple de ces nouvelles. On le comprend d’autant plus que ces nouvelles décrivent très bien le profond sentiment d’insécurité qui s’en dégage et pousse à désir de meurtre, presque par auto-défense.    

Mohamed Walid Grine réussit la performance littéraire de parler de l’intérieur de ses personnages des deux sexes. Nous avons la perception d’une écriture plastique mais d’une personnalité plastique de l’auteur comme s’il passait d’une nouvelle à l’autre dans un jeu de théâtre, un jeu de personnages.  Ce n’est pas le moindre mérite de ce recueil.

M. B

Source : Horizons dz du 21 février 2018.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article