La falaise des sept lumières de Youssef Tahari

16 Février 2018 , Rédigé par bouhamidi mohamed Publié dans #Notes de lecture

In Le Soir d'Algérie du 25 - 11 - 2004

Passé les 20 premières pages, vous ne pouvez plus lâcher le livre de Youssef Tahari : La falaise des sept lumières. Une fraction de tribu qui prendra le nom des Beni-Ghalia est chassée de sa vallée heureuse par le Makhzen et les caïds aux ordres des maîtres turcs de l'Algérie ottomane. Cette fraction de tribu errera de son Titteri natal vers les steppes arides pour s'établir dans une montagne de l'Ouarsenis. Même là, le Makhzen et les familles de collaborateurs de l'occupant turc les poursuivront.

Les armées d'occupation françaises viendront à un moment de déliquescence de cette autorité turque de plus en plus rapace avec les paysans et dont le besoin d'impôts se traduira par une répression et une oppression inhumaines. Je ne vous en dis pas plus mais chaque chapitre, chaque personnage, chaque fait nous ramènent à notre propre histoire et dans une découverte inattendue de notre propre être. Le roman ne parle pas seulement des Beni- Ghalia, il parle de nous individuellement et de nos tourments. De page en page, le roman, d'abord passionnant, devient poignant. Le destin collectif des Beni-Ghalia va habiter littéralement le destin individuel des personnages les plus marquants, ceux qui permettent à l'auteur de démonter les mécanismes de la domination et de la lutte. Et ce sont toujours les mêmes. D'abord l'accaparement des terres. Chasser les tribus des meilleures terres, les repousser vers les montagnes et les zones ingrates ou arides. Ensuite, prendre appui sur des notables et des familles de collaborateurs. Ils sont plus féroces, plus cruels, plus inhumains que l'occupant lui-même. Enfin, montrer une main de fer en toutes circonstances : violer les femmes, tuer les vieillards, enlever les enfants, exécuter les adultes qui résistent. Les mêmes qui ont servi les Turcs serviront les Français. Mais le roman ne parle pas seulement que de cela. C'est un roman épique, c'est vrai, mais dans lequel l'épique passe par les trajectoires des personnages de Ghalia, le guide légendaire qui mena la tribu à travers les épreuves en lui laissant son nom à Salah, perdu dans la ville de Blida occupée dans le sang et bouleversée par les colons, à Jilani lef'qih, visionnaire qui note les faits dans un registre à la belle échappée avec un enfant de la fraction et qui finit dans un cabaret borgne. Roman de l'oppression La falaise des sept lumières est aussi un roman de la violence. Vous voulez savoir comment les terroristes ont pu égorger des bébés et massacrer des hameaux entiers ? Lisez le livre. Vous trouverez dans ce lointain passé beaucoup de ressorts de notre vie d'aujourd'hui. Lisez-le et en vous naîtront comme des éclaircies dans les sombres questions qui nous hantent et nous obsèdent.

M. B

P.S :Youcef Tahari est un pseudo de Youcef Tounsi.