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La prière de Shéhérazade – un somptueux recueil de nouvelles de Fatiha Nesrine.

24 Janvier 2018 , Rédigé par bouhamidi mohamed Publié dans #Notes de lecture

La prière de Shéhérazade – un somptueux recueil de nouvelles de Fatiha Nesrine.

Par Mohamed Bouhamidi.

 In Horizons du 24 01 2018

L’allégorie de l’émeraude résume l’esprit de « La prière de Shéhérazade ». Nous entrons par neuf nouvelles dans le monde somptueux d’un onirisme de l’écriture. Fabuleux comme l’est la fable qui raconte sans tout nous dire et nous en dit bien plus que ce qu’elle narre. Déjà avec Inès et Hilal nous entrons dans un écart manifeste à la tradition. Inès a quitté sa tribu,  vit de ses cours, de la saisie de thèses et vit pour sa peinture. Son lien avec Hillal, construit par Internet accéda à son point culminant dans leur commune révolte d’un arbre de l’espace public abattu par un quidam qui s’était construit une villa-bunker.

 

Le ton est donné, il existe un malaise éthique qui touche uniment aux hommes et à la nature. Il sera l’axe qui donne unité et cohérence à l’affabulation  de  ces nouvelles si diverses par les situations, les thèmes et les styles.

 

Ses nouvelles nous déroulent le destin, souvent joué sur un fil, de personnages réellement vivants par les émotions, les déchirements, les incertitudes qui les animent, dans une écriture dont on ne peut retirer une virgule. Ecriture onirique pour Shéhérazade évoquant les collégiennes qui iront secrètement se baigner sur la plage dans des maillots taillés dans leurs robes, transgressant les interdits qui leur barraient l’étreinte de la mer, de l’air, du vent, du sable, du soleil dans leurs bras adolescents, avec au bout, le drame d’une fillette enfermée dans un poulailler. Nous retrouvons développé au centuple la force onirique de la fillette qui trouvait mille contes et milles fées aux murets des jardins, aux herbes folles, au soleil, aux vents, à la lumière dans « La baie aux jeunes filles » (1).

 

Ecriture délirante pour l’homme dont le verger a levé l’ancre, et définitivement sidéré d’une ombre de femme aperçue à travers une fenêtre.

 

Ecriture de science-fiction à faire lire à tous les enfants pour « La terre et les cinq dormants », à la fois extraordinaire et si clair, si bel exposé de l’histoire géologique de milliards d’années de notre terre que la folie d’un siècle de course sans frein au profit va détruire. Il faut quand même reconnaître que l’écriture de « L’émeraude » et de « Au royaume de Juba II et Cléopâtre Séléné » mérite de figurer au panthéon du récit historique pour la restitution de l’époque et de son esprit.

 

Il s’agit justement d’esprit de l’époque. La recherche de l’émeraude va amener Luis, l’Inca, à rechercher l’esprit de son émeraude vendu par son frère jusqu’aux hauteurs et aux mystères du Machu Picchu.

 

Le mystère, nous y sommes en plein dans ce recueil. Le mystère de nous-mêmes, le mystère Algérie. D’une nouvelle à une autre, Nesrine nous déploie une Algérie changeante, contradictoire, heurtée, parfois harmonieuse. Comme pour notre parenté avec la nature, nul superflu, nul bavardage, nul jugement péremptoire sur une nature définitive de l’algérien ou sur un blocage de la société.  Bien au contraire. Inès n’a pu échapper à la tribu que par sa parenté la plus proche, son oncle, elle a pu aimer un homme en dehors des circuits traditionnels. Et si dans « L’autobus Rouiba –Alger », un quidam conservateur et très « police des mœurs » sermonne un jeune homme en bermuda et fait capoter une histoire d’amour, dans « Hiziya » une classe moyenne, dans Bouchaoui, peut aller avec ses séductions vestimentaires, ses aires de liberté, de musique, et de danse. Contraste qui fait que même dans ce milieu dès que monte un air d’avant, un son de flûte ou de bendir, remontent les liens ancestraux, l’attachement à la terre, l’émotion de nos musiques, de nos danses, de nos complaintes et ce symbole, Hiziya, qui est notre histoire d’amour à tous et le lien caché entre nous, secret mais vivace.

 

 Nesrine nous donne à lire dans ce recueil, les cent visages d’une Algérie agitée de contradictions, agitée par sa propre marche avec  les questions qu’elle se pose sur elle-même et sur où elle va alors même que des tendances centrifuges la pousse surtout à oublier d’où elle vient.

 

Mohamed Bouhamidi.

 

 

 

http://bouhamidimohamed.over-blog.com/2017/08/la-baie-aux-jeunes-filles-roman-de-fatiha-nesrine.html

La prière de Shéhérazade – Fatiha Nesrine – Editions Casbah – Alger – octobre 2015 - 170 pages. 

Source : Horizons du 24 01 2018 -   http://algerieinfo.ml/dir/pdf.php?pdf=horizons

 

 

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