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bouhamidimohamed

De Philippe Tancelin "Les quartiers hauts de la révolte". Extrait de "Poéthique de l'ombre"

16 Mars 2017 , Rédigé par bouhamidi mohamed

Poéthique de l'ombre"   de mon ami Philippe Tancelin dans lequel il est fait allusion au passé qui ne s'efface pas. Tout le livre est construit ainsi : un poème inspiré de faits d'actualité et ses notes conçues comme une archéologie des fonds de l'événement...

 

de  

 

 

Place attendue de la lucidité

dans les quartiers hauts de la révolte

 

Place toujours vierge de l'espoir

à l'avancée de l'aube

 

Place errante de l'éternité (1)

aux heures implacables du rêve

 

Une présence retenue par le sang (2)

hante l'in-saisi des grands fonds d'histoire

Elle est l'énigme d'une pensée libre de sa perte

dans le dédale des certitudes qui l'endeuillent

 

Verse une lumière radicale sur l'intolérable (3)

 

Le pari de son envol ne dicte plus l'oiseau

à notre imaginaire (4)

 

 

 

 

1) Contraint à l'exil, Victor Hugo a l'occasion de voir à Jersey un ancien officier de l’armée d’ Afrique devenu républicain exilé. Il laisse, dans «Choses vues», cette note: «L’armée faite féroce par l’Algérie».

Le général Le Flô me disait hier soir, le 16 octobre 1852 : "Dans les prises d’assaut, dans les razzias, il n’était pas rare de voir les soldats jeter par les fenêtres des enfants que d’autres soldats en bas recevaient sur la pointe de leurs baïonnettes. Ils arrachaient les boucles d’oreilles aux femmes et les oreilles avec, ils leur coupaient les doigts des pieds et des mains pour prendre leurs anneaux. Quand un Arabe était pris, tous les soldats devant lesquels il passait pour aller au supplice lui criaient en riant : cortar cabeza !. Le frère du général Marolles, officier de cavalerie, reçut un enfant sur la pointe de son sabre, Il en a du moins la réputation dans l’armée, et s’en est mal justifié."

(extrait de "Marianne et les colonies, une introduction à l’histoire coloniale de la France" de Gilles Manceron, éd. La Découverte, Paris, 2003, où est étudiée la position de Victor Hugo par rapport à la colonisation.)

 

2) Texte de pétition lancée en juin 2016: «Les restes mortuaires de dizaines d’Algériens qui ont résisté à la colonisation française au 19ème siècle, morts au champ d'honneur, sont entreposés dans de vulgaires cartons, rangés dans des armoires métalliques, au Musée de l'Homme de Paris. Ces restes, des crânes secs pour la plupart, datant du milieu du 19ème siècle, appartiennent à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Chérif "Boubaghla" (l’homme à la mule), au Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaatchas (région de Biskra en 1849), à Moussa El-Derkaoui et à Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. La tête momifiée d’Aïssa Al-Hamadi, qui fut le lieutenant du Chérif Boubaghla, fait partie de cette découverte, de même que le moulage intégral de la tête de Mohamed Ben-Allel Ben Embarek, lieutenant de l’Émir Abdelkader. Il faut que ces restes soient rapatriés en Algérie pour y recevoir une digne sépulture!»

 

3) «Sabra et Chatila au cœur du massacre» (Erick Bonnier éditeur 2016). Nous sommes le 18 septembre 1982, tôt le matin, Jacques-Marie Bourget journaliste et le photographe Marc Simon pénètrent dans les ruelles des camps palestiniens de Sabra et Chatila.

Ils découvrent des milliers de cadavres. «Une femme enceinte éventrée, un petit garçon coupé en deux, un lambeau de chair retenant encore l’autre moitié du corps. Nous avançons. Chaque maison a été salle de torture avant d’être un tombeau. L’épouvante? C’est bien ça. L’épouvante. Elle nous fait oublier l’odeur, les insectes restés seuls vivants, les liquides et le sang.»... Entre les cadavres qu’ils voient et ceux qui sont déjà enfouis – vivants parfois –, les morts sont par milliers...«Les têtes éclatées et écarlates, violettes du sang injecté en hématome, semblent s’être éloignées du corps comme celles des femmes girafes. Écrites dans la poussière nous voyons les traces de ce qui s’est passé ici. Les tueurs ont traîné leurs victimes, pieds et mains liés par du fil de fer, le câble d’acier passé autour des cous. D’une poutre pend un crochet comme celui d’un boucher.»

 

4) Les traces de la mémoire rejaillissent tels des fantômes debout. Elles cherchent leur place parmi les présents assis. Les fauteuils sont tous occupés. Seuls les intervalles demeurent vacants aussi longtemps que l'accélération des événements le permet c'est-à-dire, ne donne pas l'impression que l'histoire coure de surenchère en surenchère alors qu'elle piétine dans la terre meuble d'une humanité simulant une marche triomphale vers le droit.

 

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