Sur la Constitution Laraba, l’identité imaginaire, le climat des affaires, le 1er novembre, la Société Civile et autres questions…
Par Mohamed Bouhamidi.
Le 12 septembre 2019, des amis m’ont demandé de réagir dans l’urgence à l’irruption du néologisme « Tamazgha » dans les rumeurs sur le projet de la Constitution Laraba. Je n’avais pas à ma disposition ce texte. Je m’étais intéressé à comprendre comment ce néologisme a pu séduire tant de personnes adultes ou jeunes. Comment une fabrication d’une identité pouvait ainsi obtenir tant de succès ? J’ai donc parlé de ce néologisme et de ce qu’il actualisait de nos complexes de colonisés. Bien sûr, les outils de Franz Fanon me furent précieux. C’est donc un essai de compréhension du contexte culturel et historique de ce phénomène d’adhésion à une fabrication identitaire si clairement opposée à notre identité algérienne, et si clairement revendicatrice d’un Etat ethnique et ethniciste comme le préconisent et le mettent en œuvre partout où ils peuvent les milieux de l’Impérialisme, du Sionisme et de Néo-colonialisme.
J’ai ajouté une autre vidéo : » Entre zoologie et anthropologie : naissance d’un ethnicisme et d’un racisme algériens », pour débattre du recours obsessionnel à la génétique afin de prouver une pureté raciale des populations d’origine de notre pays. Les recours à la pureté raciale portent en eux les marques du nazisme et du fascisme. Ces recours à la biologie ont été en usage au 19ème siècle pour prouver notre infériorité à tous, noirs, juifs mais aussi arabes ET berbères confondus dans la même dénomination d’Arabes. Faut-il rappeler à tous ces nouveaux racistes que selon toutes les religions, tous les mythes, toutes les croyances ancestrales, l’humanité naît en entrant dans la culture et donc en sortant de la nature ? Les hommes en général et chaque groupe d’hommes ne peuvent être identifiés en tant que tels que par leur culture, pas par leur biologie.
Ces deux vidéos ne répondaient pas à la Constitution Laraba dont on ignorait le contenu. Mais toute constitution comme toute législation, toute forme du droit en réalité, traduit en termes juridiques une philosophie du Droit et toute philosophie du Droit repose sur une philosophie de l’Homme et de la société. Ces deux vidéos contribuaient au débat sur la philosophie sous-jacente de ce néologisme « Tamazgha », et le glissement du sens de Tamazight dans le travail de l’Académie Bebère et du Congrès Mondial Amazigh.
Ces deux ONG promotrices de cette identité ont porté ce processus à son terme. Ils en ont fait une question inscrite aux travaux du Comité des Nations Unies pour les droits économiques sociaux et culturels. Dans sa 44ème session en mai 2010, ce comité a recommandé à l’Etat algérien de reconnaître le Tamazight comme langue officielle, d’en assurer l’enseignement, de proscrire la polygamie et le tutorat des femmes et d’autoriser le mariage d’une musulmane avec un non musulman. Ce Comité ne débat pas des Droits de l’Homme mais des droits des ethnies et des peuples opprimés, peuples natifs et indigènes ou sous occupation. Polygamie, tutorat et mixité religieuse dans le mariage sont la couverture moderniste du principe, infiniment plus fondamental, des devoirs incombant à un Etat occupant de respecter les droits des populations autochtones. Cette recommandation avec ses arrières plans philosophique et politique est désormais inscrite dans notre constitution. L’Etat algérien s’inscrit désormais comme Etat distinct des populations et donc de leurs territoires comme l’ont été les Etats mandataires. Ceux qui formulent ces recommandations entravent le développement de notre Etat-nation et de notre conscience nationale, pour les maintenir dans des phases qu’eux-mêmes ont dépassées, y compris lorsque leurs relais locaux cherchent à nous vendre la panacée fédéraliste.
Cette recommandation a été inscrite une première fois dans la Constitution Bouteflika. La constitution Laraba la reconduit. Cette disposition nous ramène à l’Ethnie, à un niveau aggravé, en englobant dans un seul signifiant, Tamazight, la diversité des dialectes algériens, affectant ainsi cette diversité par la visée sous-jacente d’une harmonie/unicité de la grammaire, résultant en vérité de l’hégémonie d’un dialecte et de sa grammaire sur tous les autres[1]. C’est une source certaine de divisions de notre peuple déjà travaillé de mille façons à cultiver ses particularismes. Alors que la modernité s’énonce comme prescriptions et principes universels – et l’Universel de notre époque, ce sont les concepts de Nation et d’Etat national, seuls sujets des relations internationales – la Constitution Laraba nous ramène aux particularismes ethniques....
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