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bouhamidimohamed

Le drapeau palestinien et le Hirak. Un texte de Djawad Rostom Touati.

3 Juin 2019 , Rédigé par bouhamidi mohamed Publié dans #Hirak, #Djawad Rostom Touati, #-Algérie, #-Politique

Le drapeau palestinien et le Hirak. Un texte de Djawad Rostom Touati.

Depuis le 22 février, à côté des pancartes trépignant l'ingérence étrangère (française, américaine, ou des pays du Golfe), des portraits des martyrs et des chants fustigeant l'inféodation de la pègre à la domination étrangère ("pas de cinquième mandat, ô fils de la France") - à côté de tous ces signifiants flottait - et flotte encore - un autre signe fort contre l'impérialisme: le drapeau palestinien.

Or, on voit et on entend de plus en plus sur la toile des protestations s'élever contre ce symbole, depuis le larbin Sifaoui qui clame que la cause palestinienne n'est pas notre affaire (parce que le concernant, "il n'y a rien qui vibre lorsqu'il entend le mot Palestine" [1]), jusqu'au quidam sur la toile qui assimile l'apparition du drapeau palestinien à "l'islamisme" et à daesh. Entre ces cas extrêmes se déroule toute la panoplie de la rhétorique habituelle en la matière: "libérons d'abord l'Algérie avant de songer aux autres"; "nous sommes algériens et non palestiniens"; "pourquoi se solidariser uniquement avec les Palestiniens? Il n'y a qu'à brandir les drapeaux et symboles de tous les peuples opprimés en ce cas!" (on retrouve les sophismes de Kamel Daoud sur "la solidarité sélective" [2]).

Que ce soit dans les stades ou durant les marches, à travers le drapeau ou via le fameux chant "Palestine martyre", le soutien des Algériens à cette cause et l'adoption de son drapeau renvoient à plusieurs significations, qui n'ont rien à voir avec les interprétations étroites de ceux qui voudraient réduire le mouvement populaire à une dimension pseudo-moderniste dont ils s'imaginent qu'il ne manquera pas d'accoucher, ladite modernité signifiant, pour ces aliénés, le fait de rejoindre "le monde libre" (celui en vert sur la carte de Freedom House [3]), et de s'extraire de la filiation à ces Arabes faibles, arriérés, "hors de l'histoire", etc. (Pour réviser toute la panoplie des clichés, voir: Kamel Daoud, Boualem Sansal, Amine Zaoui.)

Le peuple algérien brandit le drapeau palestinien parce qu'il a l'intuition, c'est-à-dire la conscience immédiate - qui ne passe pas nécessairement par le détour du concept - que ce drapeau est un désaveu envers l'inféodation à l'impérialisme de la pègre au pouvoir. Il dénonce l'oligarchie comme "fils de la France" mais aussi comme larbins de l'impérialisme en général, et le drapeau palestinien signifie l'engagement historique de notre peuple contre cet impérialisme, dont la figure la plus hideuse se concrétise dans l'occupation nazie en Palestine. Le drapeau palestinien est aussi un message codé aux puissances étrangères: "Pas d'ingérences, ce peuple est l'ami des opprimés et l'ennemi des fabricants du chaos."

Il est aussi une prise de position aux côtés du faible contre le fort (contrairement aux hystériques - au sens clinique du terme - pour qui le faible n'a que ce qu'il mérite, tandis que le fort, es qualités, est dans son bon droit, son droit naturel). Ce faisant, contrairement à la recette d'Otpor (reprise entre autres par Rachad dans une vidéo "pédagogique" [4]) qui préconise d'internationaliser le mouvement de contestation pour faire pression sur le pouvoir, le peuple algérien inscrit intuitivement son mouvement dans la lignée des résistances internationales au nouvel ordre impérialiste. Résistance dont le peuple palestinien incarne l'une des figures les plus héroïques et emblématiques qui soient, au point d'avoir suscité la solidarité de plusieurs nations non alignées (dont l'Islande, pays connu pour être un bastion de l'islamisme).

Ceux qui s'offusquent de voir le drapeau palestinien durant les marches (et qui paraissent de plus en plus décomplexés à mesure que le contenu de la contestation semble dévier vers la révolution colorée) trahissent le tropisme occidentolâtre qui détermine leur vision du "hirak", et contestent la dimension anti-impérialiste du mouvement populaire, lequel a compris, reconnu, et formulé - dans son langage simple et imagé - que le marasme vécu par le pays est la conséquence directe de l'abandon du développement national autocentré, dont la conséquence est la perte de souveraineté au profit d'une tutelle impérialiste relayée par une oligarchie vassale qui s'est emparé du pouvoir d'Etat et "dévoré le pays" avec la complicité de ses tuteurs.

Cette contestation du drapeau palestinien est un des multiples signes de la scission que refusent de voir les chantres de l'unité fantasmée; scission entre révolution nationale, qui passe par la médiation du drapeau d'un peuple opprimé pour signifier la rupture avec l'impérialisme qui opprime tous les peuples, et la révolution colorée, qui, derrière l'alibi du "système dégage", n'oeuvre qu'au changement de régime pour une aggravation de la soumission au système.

D.R.Touati. le O3 MARS 2019.

[1] https://www.facebook.com/mohamed.sifaoui.5268/videos/600816710430170/

[2] https://www.europe-israel.org/…/kamel-daoud-ce-pourquoi-je…/

[3] https://freedomhouse.org/…/freedom-…/freedom-world-2019/map…

[4] https://www.facebook.com/watch/?v=327203567986238

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